En cette rentrée 2012, je me suis longuement creusée la tête pour savoir ce que j’allais bien faire pour qu’elle ne soit pas totalement identique à 2011. Et là, éclair de génie, je me suis dit « tiens, je vais tenter de perdre du temps de vie en testant les façons les plus idiotes de le faire ».
Et donc, d’un pas léger, je me suis rendue à la mairie de mon arrondissement. Je ne pensais pas atteindre mon but de façon aussi éreintante, finalement, comme quoi, on arrive encore à avoir des surprises, même dans la fonction publique.
Me voici donc à 9h30 dans le café en face de la mairie, en pleine concentration pour bien remplir les petites cases des demandes de passeport et cartes d’identité et faire des petits tas des bons papiers qui vont dans les bons dossiers. Trois passeports et une carte d’identité, j’aime le risque.
A la mairie, je suis confiante, j’ai tout, je ne vois pas comment je vais pouvoir me faire recaler.
« Il faut prendre un ticket »
Ok, je prends un ticket, je ne suis pas contrariante comme fille.
Je prends même place sur les petites chaise en rang d’oignon placées devant les bureaux. Bureaux qui sont vides pour les 2/3, en constatant qu’à 10h59, c’est la pause Rochers Suchard au niveau des archives, lettre F.
11h30, en trente minutes, j’ai eu le temps de presque comprendre que jamais je ne saisirai le système d’ordre des tickets. J’ai le numéro 607, je suis toujours assise sur ma chaise, pendant que les numéros 578, 124 et 608 sont déjà passés devant moi. A ce moment là, j’ai perdu toute foi en la logique, et je tente de m’informer si il y a une distribution de sandwichs ou éventuellement, si on ne voudrait pas me refiler un Rocher Suchard, histoire que mon ventre arrête de faire plus de bruit que Maryse et Pauline qui parle de l’agrafeuse et du préposé aux fournitures.
N°607 Bureau J.
Chouette, c’est moi!
« Bonjour! Je viens pour faire faire des passeports et un renouvellement de carte d’identité »
« Des passeports pour qui? »
« Des passeports pour moi et mes deux enfants »
« Ils sont où vos enfants? »
« Ok, donc, je la refais: Bonjour, je viens renouveler MON passeport, Ma carte d’identité et prendre rendez-vous pour faire les passeports de MES enfants, AVEC mes enfants, call me boulet »
Ça ne l’a pas fait rire. Même pas un petit rictus, rien. J’ai l’impression d’être Jean Roucas.
« Donc, vous voulez un nouveau passeport »
« Voilà ».
Il se saisit de mon dossier, regarde avec application tous les documents que j’y ai joint.
Je commence à publier des statuts facebook pour tuer le temps, me carrant bien profond mes principes de politesse.
A un moment, il prend mes photos d’identité, en cale une dans une sorte de grosse perforatrice et se concentre.
4 minutes. 4 foutues minutes pour couper une photos dans un truc déjà calibré. J’en ai spasme.
« Vous avez 86 euros de timbres fiscaux? »
(Voix Triomphante) « Les voici »
Évidement, au bureau de tabac, ils n’avait plus de timbres de cinq euros, donc, c’est deux fois 30, deux fois 10 et 6 timbres à un euros. Soit 10 timbres. Quand j’ai vu le temps que mon super pote mettait à découper UN timbre, j’ai commencé à passer en revue toutes les techniques possibles pour faire passer son meurtre pour un accident. Quand il sorti son tube de colle Uhu taille XXL de sa trousse d’écolier minuscule après bien 30 secondes de recherches poussées digne des fouilles d’une grotte préhistorique, j’ai longuement scruté mes mains en pensant y voir apparaitre des tâches de vieillesse. Je voudrais me taillader les veines avec ses ciseaux à bouts ronds. Aussi.
Après une attente interminable et des tentatives de plus en plus vaines de ne pas sombrer dans le coma, le Monsieur s’exclame:
« Et voilà! »
1h30 pour accomplir une tâche à laquelle il est confronté TOUS les jours, plusieurs fois par jour et sans m’adresser la parole (puisqu’en bonne fille, j’avais bien pris tous les documents… sauf mes enfants, oui, je sais).
J’ai hésité à lui demander pour la carte d’identité, et puis bon, comme j’étais là et que j’avais marqué la chaise à vie de la trace de mes fesses, je me sentais un peu comme chez moi.
Je n’ai VRAIMENT pas hâte d’y retourner avec les enfants.
Alors, de cette expérience, plusieurs choses: ces gens là sont-ils comme ça dans leur vraie vie, en dehors de leur travail? Est-ce seulement possible d’imaginer coller 10 timbres en 15 minutes? Est ce qu’ils deviennent comme ça à force de faire un boulot morne en présence de gens qui font passer Dukan pour un intellectuel(et pas que les collègues, j’ai croisé quelques spécimens de bons citoyens franchement gratinés)?
Punaise, moi qui me chercherait bien une planque niveau boulot, je ne pourrais même pas faire celui là, j’exploserai les quotas, ça serait pas possible….
Note: Je suis désolée si certains bossent en mairie ou peu importe l’administraion publique. Evidemment, je ne souhaite pas croire que TOUS les fonctionnaires sont comme ça. Peut-être que je suis tombée sur un cas, mais étant donné que plusieurs de ses collègues sont venus lui poser des questions auxquelles même moi je pouvais répondre, je me dis que quelque part, il y a un soucis, non?