Lors commença a fastroillier
Et le bon fransoiz essillier,
Et d’un walois tout despannei
M’a dit: «Bien soiez vos venei,
Dame Cranemou, volontiers.
Tu vois, hier, j’étais un peu triste de cette histoire d’ognon, je me suis dit que quand même, tout se perd ma bonne dame, que vraiment, ohlala, ça devient navrant de vouloir tout faciliter, même notre jolie langue. Tu sais ? La langue hyper compliquée à apprendre parce qu’on a des règles de grammaire à la con qu’on doit apprendre par cœur à 8 ans mais qu’on a oublié à 16 ?
La langue qui nous fait devenir de vrais abrutis dédaigneux dès qu’on choppe quelqu’un faisant une belle faute (voire deux… voire cinquante quatre), parce que NOUS on a une éducation Madâme, NOUS on est au dessus de ça.
Enfin… Moi, pas trop. Moi je fais des fautes d’inattention les trois quart du temps parce que je ne me relis jamais, alors en général, et même si j’évite de lire des textes et des blogs qui me font mal à ce qu’il me reste de grammaire et d’orthographe, je la joue profil bas le plus souvent sur le sujet.
J’ai vu la plupart de mes « amis » des réseaux sociaux s’insurger devant cette nouvelle réforme, et j’ai rien dit.
Enfin, si, j’ai rigolé, parce que vraiment « ognon » c’est moche. Moi qui persiste à dire « maligne » quand j’ai le droit de faire plus simple, moi qui refuse d’entendre le « z » quand on mange des haricots alors que si, on peut…
Je suis de la catégorie des vieux cons, et pourtant quand je dis ça, je ne me visualise pas en vagin décrépi.
Alors au final, j’ai refusé, pour une fois, de mener une révolte vaine, j’ai mordu mon poing et je me suis dit qu’on n’était bien qu’une génération de râleurs, et que peut-être, là dedans, ce qui nous faisait vraiment peur, c’était de se faire traiter d’antiquité conservatrice et rétrograde quand on continuerait d’utiliser des circonflexes et des traits d’union. C’était de se rendre compte qu’on était devenu des cons de réacs quand on déclarerait notre mépris pour tous ces « jeunes » qui ne mettraient plus de h aux nénufars.
Je râlerai, sois-en certain.
Je continuerai à écrire comme on me l’a appris.
Sûrement même que je dirai à mes enfants ou à leurs enfants que « si ils veulent » ils peuvent aussi l’écrire « comme avant », que la langue française est jolie et que j’aime à croire qu’elle se respecte, n’en déplaise à Keen V, Booba et l’écriture sms.
Mais je ne crois pas qu’on « nivelle par le bas ».
Je crois qu’on a pas de bol et qu’on tombe sur une simple et fatale évolution de la langue, comme ça a été le cas, finalement, depuis sa naissance.
Et puisque je sais que beaucoup d’entre vous ne seront pas d’accord avec mon constat, je vous invite à m’insulter et à débattre au subjonctif plus que parfait et au passé simple dans les commentaires, tant qu’à faire, qu’on me démontre que j’ai tort de croire qu’on est bien tous content de pouvoir s’en passer aujourd’hui.
Sur ce, y’a révision de dictée de Clapiotte, et je te promets que si un jour elle est ministre, tu vas bouffer de la « voitur », de la « coutur » et des « étoils ».
Il commença alors à baragouiner
et à massacrer le bon français,
dans un valois tout écorché
il me dit: «Soyez le bienvenu,
Madame Cranemou, vraiment!
©Toniolibero, Marseille 2015