C’est en grande section de maternelle que j’ai fini par comprendre que j’étais une fille… pour toujours. Je pensais naïvement que j’avais le choix d’être un garçon plus tard, peut-être, éventuellement, rapport que je n’aimais pas trop le rose et les jupes et que certains garçons me pointaient du doigt en me « traitant » de garçon manqué.
A l’époque, je me disais que ce n’était pas si manqué que ça puisque si je le souhaitais je pouvais être un garçon, un vrai, un qui les aurait pilonnés de s’être bien moqués de mes pantalons, de mes cheveux coupés court et de mon manque flagrant de candeur féminine.
La découverte ne fût pas si terrible, être une fille avec un cerveau de mec, ça a tout un tas d’avantages non négligeables.
Ça a aussi tout un tas d’inconvénients.
Parce que visiblement, être une fille implique tacitement que tu seras régulièrement au centre de débats à propos de ton statut de fille, de tes propres droits et de la façon dont tu devrais t’occuper de ton utérus.
Notons bien qu’on n’a rarement entendu des gens clamer haut et fort qu’il fallait voter une loi pour la suppression des prépuces ou l’interdiction formel de pisser debout. Étrange.
Je connais encore des personnes qui ont connu les aiguilles à tricoter et qui te racontent leur(s) supplice(s) avec des regards vides qui me font vivre ma vie encore plus pleinement de la savoir aussi libre.
Mais les bien-pensants savent tellement mieux ce qui est bon pour moi. Et ils crient tellement plus fort aussi. On les entend arriver avec leurs psaumes et leurs idées si étriquées qu’elles nous fouettent sèchement la liberté d’avoir un corps qui nous appartient.
Ai-je besoin de venir ici vous faire l’apologie de tout ce que les femmes ont fait pour nous 40 ans en arrière, à une époque où nous n’étions, pour la plupart ici en tout cas, pas né(e)s. Belle aubaine que de naitre quand le travail a été fait, n’est ce pas ? Un beau confort, même pas la peine de s’en faire, on arrive et on met les pieds sous la table.
Aujourd’hui j’ai les cicatrices de mon corps et de mon cœur qui me tiraillent et qui me demandent de faire attention à ce que j’ai et à ce qu’on essaye de m’enlever.
J’ai des envies de bâillonner la bêtise et le non-respect de l’autre à en faire s’étouffer les bigots gesticulant dans la rue.
Viens donc me dire de quel droit tu veux régir mes entrailles, mon futur, mon histoire, mes plaies et ma vie. Je t’attends.
Si seulement. Si seulement toute cette bêtise, cette ignorance teintée d’obscurantisme pouvait peu à peu disparaitre au nom, simplement, de la considération, du respect et de l’estime de soi et de son prochain.
Si seulement on savait parler des hommes, des femmes et de la sexualité dans son ensemble d’une manière saine et objective et ce, dès très jeune, ne serions-nous pas plus conscient de notre corps et de sa valeur ? Ne deviendrions-nous pas tous plus tolérants et respectueux envers nous-mêmes, nos envies, nos désirs, nos convictions et ceux des autres ?
« On fait un marché:
Tu ne légifères pas sur mon utérus et je ne te coupe pas les couilles.
Deal ? »
Je soulève justement la question car elle est étudiée en ce moment par le gouvernement sous sa version « Standards pour l’éducation sexuelle en Europe » rédigée par L’OMS.
Une sorte de gros pavée théorique sur comment et pourquoi faire rentrer l’éducation sexuelle à l’école et ce, dès 4 ans.
Oui. 4 ans.
Je vois déjà ces parents outrés, gesticulant en hurlant au scandale parce que 4 ans, mais c’est trop jeune Madâme, ce pauvre enfant qui n’a rien demandé, il s’en fiche bien de savoir ce qu’est le plaisir.
Pourtant, moi, je connais une petite fille qui jouait à faire du cheval sur un accoudoir de canapé et qui a réitéré l’expérience plusieurs fois jusqu’à se faire surprendre. Elle avait 4 ans et elle a eu honte hein. Mais on ne lui a pas expliqué pourquoi. Ni comment. On l’a laissée dans l’embarras avec son irrépressible envie de recommencer et la trouille de faire quelque chose de mal. Elle avait 4 ans et elle aurait bien eu besoin que quelqu’un lui explique, avec des mots adaptés à son âge.
Mais parfois, en famille, les choses ne se disent pas. Ou mal.
Aujourd’hui elle se dit que c’est bien dommage, parce qu’elle sait que tout ça, en fait, c’est bien naturel. Que les petits garçons se tirent sur la quéquette et les petites filles jouent au docteur avec les museaux de leur nounours.
Aborder la sexualité infantile n’est ni sale ni mauvais. L’information sur le sujet, si elle est donnée de manière consciente et adaptée ne pourra être que bénéfique. Mieux se connaitre, mieux connaitre l’autre, savoir où s’arrêtent nos droits par rapport à nos envies, savoir dire non, savoir et pouvoir s’exprimer sur le sujet…
Et pourquoi pas ?
Et si en se connaissant mieux tout de suite on arrêtait de croire que les utérus, les vagins et les prépuces sont des espaces publics où on peut librement déverser sa bile intrusive et irrespectueuse ?
Vous avez 3 heures.
(oui, je suis énervée aujourd’hui ;) )
Notes:
Vous pouvez cliquer sur le lien plus haut rapportant à ces recommandations afin de vous faire une idée juste de ce dont on parle.
Je peux vous laisser aussi aller voir un article abordant le sujet sur les site des Vendredis Intellos.
Ce sont de vraies questions que je me pose, si on peut éviter les jets de pierres, tout le monde s’en portera bien mieux.