La vie de princesse

J’ai eu cette idée un peu dingue de croire que je ne parlerai pas de ça ici. Je ne sais pas trop pourquoi, par pudeur sûrement, parce que je voulais garder ça pour moi, parce que parler du « pas drôle » ici, ce n’est pas ce que je préfère, aussi, et que quand je le fais, c’est parce que tout a mûri et a été digéré, déjà.

C’est plus facile quand on a digéré, on n’a pas mal au ventre, on est moins fatigué et puis il n’y a pas ces drôles de bruit tout au fond de nous non plus.

Et puis j’ai lu ces gens. Au fil de mes lectures, j’ai avalé ces histoires d’autres qui se disaient tellement plus épanouis, tellement plus heureux. Ils ont le temps, ils revivent, ils s’extasient à la vie, ils redécouvrent leur « moi ».

J’ai lu les commentaires de ces autres gens qui ce posaient des questions depuis longtemps ou depuis maintenant.

Comme ça avait l’air bien.

Qu’elle a l’air belle cette nouvelle vie.

J’ai avalé sans avoir digéré.

Ce n’est jamais une bonne idée, ça te tord le bide et tu es obligé de parier sur les bienfaits du citrate pour faire passer.

Voilà 2 ans que ma vie d’avant n’est plus. Déjà deux ans qui sont passés à une rapidité incroyable.

Deux ans où chacun de notre côté, nous avons pris de nouveaux chemins. Chacun a refait sa vie, chacun est heureux, tout va bien dans le meilleur des mondes.

Les enfants sautent de maison en maison et se sont incroyablement bien adaptés à cette nouvelle configuration.

La semaine avec eux est intense, pleine de câlins, de discussions, de rigolades, d’allers-retours et de réveils à 7h15. Remplie de doigts plein de Nutella, de doudous qui trainent, de salon transformé en salle de jeu et d’étendage relégué en grosse cabane.
Elle est aussi et en permanence le terrain de mon angoisse principale et de mon observation permanente : que tout bascule et que les enfants n’aillent finalement pas si bien que ça.
J’observe de loin, je suis disponible pour n’importe quelles questions qui leur passent par la tête et je tâche de rester bienveillante et rassurante dans mes réponses. J’anticipe les petites crises et les coups de mou, je souris malgré tout et toujours.
Quand ils repartent, je suis épuisée et vidée d’en avoir fait autant, mais à chaque fois je ne peux m’empêcher d’être aux aguets.

Et puis la semaine sans eux commence.
C’est super de se retrouver, de trouver le temps, de dormir plus (et bien), de ne pas regarder l’heure, de revoir des amis, de sortir si on veut, de ne pas montrer l’exemple, de ne pas chercher la deuxième basket et de ne pas avoir à faire tourner chaque machine de l’appartement quotidiennement.

Je vais mieux qu’il y a 2 ans, c’est certain. Aucune des personnes de mon entourage ne dira le contraire. J’ai changé. En bien. Je me suis retrouvée, épanouie et je suis heureuse. Oui.

Mais jamais je ne sur-vendrai les ruptures, les divorces, les changements de cap radicaux.

Parce qu’il y a tout ce à quoi ça renvoie.

La décision est choisie, mûrie, réfléchie et assumée.

divorce

Mais ça reste un échec.

Tout va mieux et parfois tout te saute à la figure. Parce que tu as la trouille, parce que c’est loin d’être drôle, parce que c’est moins simple.
Parce que tu ne dois plus penser à la communauté mais à toi, et que ça, tu sais plus trop comment ça marche.
Parce que tu perds des amis qui pensent de toi des choses pas forcément juste, mais que c’est « le jeu ».
Parce que même en y mettant du tien, il reste les rancœurs et que ça fausse les relations.
Parce que tu apprends à devenir plus fort-e en bravant les critiques.
Parce que tu affrontes des rendez-vous où on te demande des choses que tu jugeais intime.
Parce que souvent, tu es déçu.
Parce que c’est long. très.
Parce que tu pensais que tu étais au dessus de ça.
Parce que tu pensais que toi « c’est pas pareil ».
Parce que tu découvres l’autre sous un autre angle. Parfois meilleur, parfois pire.
Parce que tu déçois tes proches.
Parce que tu rentres dans une guerre que tu ne cherchais peut-être pas
Parce que tu ne crois plus bien en tout ça et que tu uses un peu trop de sarcasme quand tes copains t’annoncent leur mariage.
Parce que tu deviens celui ou celle qu’on appelle en premier quand un couple de l’entourage est bancal et que toi, franchement, t’as vraiment pas de conseil à donner, en vrai.

Alors voilà, tout va bien dans le meilleur de mon monde (pour de vrai hein), mais quand je lis que ce genre de nouvelle vie c’est le pied assuré, la liberté retrouvée et toute la panoplie de l’ado utopiste qui se cachait encore en toi, sache que parfois, la princesse et sa nouvelle vie à paillettes crient fort au fond de l’oreiller, et que de temps en temps, quand elle va se coucher et qu’elle passe couvrir ses « beaucoup d’enfants », elle grimace un peu en refermant la porte.

 

 

36 réflexions sur « La vie de princesse »

  1. Je crois que tu as, peut-être (pour te préserver ?), montré sur les réseaux le beau côté des choses et que les gens en tirent des conclusions hâtives. Enfin du moins pour la partie réseau ;)

    Et parfois, on a besoin de positiver et de l’exprimer, même si ça ne fait pas disparaître le mauvais mais ça peut être une force pour avancer. En même temps, je comprends…

    Et sinon, moi j’aime bien lire « Je me suis retrouvée, épanouie et je suis heureuse ».

  2. Si tu savais à quel point je te comprends :) De mon côté je dirais… C’est mieux. C’est moi. Mais c’est un choix que j’aurais préféré ne pas avoir à faire, et pourtant, s’il le fallait, je referais le même.

  3. Bon, j’avais commencé un commentaire à haute teneur en psycho de comptoir, mais même moi je n’arrive pas à savoir où je voulais en venir finalement. Donc j’efface et je te dis que je suis contente que tu sois heureuse. Non pas dans cette nouvelle vie, mais dans ta nouvelle configuration de vie. Avec ses bons et ses moins bons côtés. La finalité de tes décisions il y a 2 ans c’était de te sentir mieux, je crois que les objectifs sont atteints :) Des bisous ma belle !

  4. un gros gros bisous…..
    j’ai vécu ça par procuration avec mon frère…qui lui aussi me dit que les semaines sans enfants c’est cool, qu’il est plus libre… mais je vois bien son regard triste et ces silences trop longs ces fameuses semaines sans ses enfants….
    allez, une grimace pour la route?

  5. Oui…plus facile a dire qu à faire….moi ça fait 6 ans et cette notion d échec me parle notamment quand ce demi enfant est en échec scolaire car tu n as que la moitié du temps avec…échec d une ancienne vie…mais on en tire aussi des leçons sur nous même. …chacune le vivra différemment mais ce mot doit raisonner en chacune de nous je pense….merci pour ce billet !

  6. Quel courage de poser ces mots, j’aurais pu les poser (sans en avoir le courage) à la notification de mon divorce. Bravo d’oser dire, d’écrire ce que tant de femmes séparées pensent.

  7. j’ai divorcé il y a de ça pfffff je compte plus ( 15 ans presque ) bon ça va hein j’ai que 44 ans .
    je suis parti de mon plein gré c’est moi qui suis partie, enfin plutôt lui est parti mais c’est moi qui ai voulue, quand je me suis retrouvé chez mon médecin quelque mois plus tard pas bien mais ne comprenant pas trop pourquoi vu que c’est moi qui est voulu hein !!! il m’a juste dit que niveau douleur c’est seulement à la deuxième place après le deuil d’un proche, ça m’a rassuré et j’ai compris que ce n’était pas anodin, même quand on l’a voulu on morfle.
    Je le dit souvent à mes proches qui font le pas en croyant que ça va être la fête, tu veux une vie meilleure mais tu va la payer chère ( merci à ce collègue très sarcastique qui un jour en pause m’a dit tout simplement sans que je lui demande quoique ce soit  » toi en fait tu as tes enfants que 6 mois dans l’année !!! » ça m’a fait mal )

  8. Très touchant et juste ! J’ai la chance de ne pas connaître cette situation mais enfant de parents divorcés, le divorce de mes parents reste encore un sujet douloureux… Et effectivement, certaines rancoeurs restent… Il faudra du temps !

  9. J’aime savoir que cela se passe bien pour certain. Avec du temps. Qu’il y a des personnes intelligentes pour privilégier leurs enfants à leur petites vengeances. A essayer les solutions les plus adaptés aux enfants, quitte à en essayer une autre si il le faut.

    Alors oui, il y a l’espoir, beaucoup de désespoir, des pleures solitaires, des rires avec les zamours, beaucoup d’Amour à leur donner.

    3 ans que je suis le papa des week-end pairs/impairs.

    L’impression de ne vivre que pour son travail pour oublier les souffrances, et à fond quand il y a les enfants.

    A la fois je ne conseillerai pas la séparation, mais je ne conseillerai pas non plus de rester un couple faussement uni pour les enfants.

    Juste qu’il ne faut pas s’oublier, ni oublier l’autre quand on est en couple.

    Le seul amour indéfectible est celui des parents pour leurs enfants.

    Merci pour ton texte

  10. Je suis totalement d’accord c’est loin d’être l’idéal, ce n’est pas ce qu’on avait imaginé et ce pour quoi on avait signé, c’est moche pour les enfants qui n’attendent qu’une chose revoir leurs parents ensemble mais c’est quand même mieux que le mal qu’on s’infligeait avant, que la vilaine image de l’amour qu’on montrait à notre enfants et on peut se créer une vraiment chouette nouvelle vie, même sans enfant… de toute façon on n’a pas le choix ;-) Des bises.

  11. Et encore tu n’abordes pas d’autres sujets qui font qu’être séparés rend la vie encore plus difficile.
    Et ceux qui s’imaginent que la vie de célibataire, c’est le pied, c’est qu’ils doivent être malheureux en couple.
    Et bon courage

  12. Très bien écrit. Et c’est bien je trouve que tu en parles parce que ce n’est pas que du « youpi tralala time »!!
    Tout cela fait écho. … cela fait 2 ans aussi pour moi. Et oui je vais mieux, même beaucoup mieux. Mais oui moi aussi j’ai le bide retourné, et les larmes aux yeux parfois… pour mon fils…

  13. Bonne route Natacha .
    J’ai connu ça version enfant. Les semaines à droite à gauche…. j’ai eu des hauts des bas mais je vais bien….
    Je me marie demain donc j’espère que ça va le faire hein ;) mais je sais bien qu’on n’est à l’abri de rien.
    Bizouxx

  14. C’est étonnant comme lorsque les mots sont justes ils ont cette faculté de te faire monter les larmes. Pas celles des yeux non, celles du bide.
    L’echec. La vie en mieux et puis parfois cette claque… Je la connais aussi.

  15. certes c’est pas simple tous les jours le quotidien avec ma fille toute l’année à part un week end sur deux et moitié des vac scolaire mais franchement je suis juste bien dans mes basket dans ma peau heureuse financièrement je m’en sort et j’ai bien fait d’avoir pris cette décision car quand je le vois 4 ans plus tard je ne le reconnais pas il a changé aussi mais pas en bien; l’essentiel c qu’il s’occupe de sa fille qu’en il l’a le reste je m’en fou.

  16. Ton billet me touche beaucoup, étant fille de divorcés j’ai beaucoup souffert car mes parents se faisaient la guerre. J’ai l’impression que toi et ton ex savez faire la part des choses, et surtout ne pas impliquer les enfants dans le conflit… Tu sembles heureuse et c’est bien là le principal ! Non, ce n’est pas un échec cette séparation vu que tu allais mal avant et tes enfants semblent avoir pris le rythme. Bises

  17. Putain que c’est bien écrit.
    Je crois que , même si je suis une grande adepte de la gaudriolle, tes billets « sérieux/intime » sont ceux qui me font le plus vibrer.
    Bises

  18. Merci merci. Je suis en plein dedans… Et tout ce que tu décris, je le ressens. Je suis en phase 1, le chemin va être long, mais j y crois…
    Merci merci.

  19. comme je te comprends, j’ai une amie qui a vécu la même chose alors que son deuxième enfant était à peine né. Elle s’est aperçue que ce n’était pas la vie qu’elle souhaitait et que cet homme n’était pas ce qui lui fallait après 10 ans de mariage. Elle a perdu pas mal d’amis mais en a gagné de nouveau et maintenant elle est bien plus en phase avec elle même, bien sur ce n’est pas facile (surtout quand c’est l’autre qui se fait « larguer ») mais pourtant inévitable parfois.

    Je te souhaite plein de courage

    bizz

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