La dédicace ou comment devenir anthropologue

Il y a quelques semaines, nous étions conviés, le Docteur Alain Benoit et moi-même, à venir dédicacer notre livre Le Dico Des Parents (éditions Kero) dans la librairie Decitre à Ecully (banlieue lyonnaise). La date était fixée un samedi après midi, la veille de la fête des mères.

Ce jour là, outre le plaisir de se retrouver Alain et moi et celui de rencontrer quelques lecteurs, nous avons vécu, deux heures durant, à un balai tout à fait amusant. Le grand bal des gens.

Parce que quand on dit qu’on va faire une dédicace, ça laisse souvent rêveur, sachez qu’on est bien loin des flonflons et des paillettes et que si je m’étais retrouvée seule cet après midi là, je pense sincèrement qu’on m’aurait trouvée pendue cachée derrière une pile de Musso.

Pendant ces deux heures, donc, nous avons pu croiser nombre de gens. Voici une petite compilation des meilleurs comportement à l’égard d’auteurs inconnus plantés au milieu d’une librairie, face à la porte d’entrée.

1. Le monsieur qui s’ennuyait.

Monsieur a 73 ans, sa femme est présentement en week end à la Baule et du coup, mort d’ennui devant Motus, il a décidé de partir profiter de la climatisation dans ce centre commercial. Sur son chemin, Decitre. Une occasion pour lui de s’acheter un bon gros polar et d’enfin ne plus entendre la voix de Thierry Beccaro par souci d’occupation. Et là, il nous voit. On lui sourit (parce qu’avec Alain, on est hyper proche de notre public vous voyez on a su rester des gens simples). Du coup, curieux, il s’approche de nous. « Oh ? Vous êtes quoi vous ? » Bon, j’ai la vanne facile quand on me pose ce genre de question, mais comme Alain est nettement plus diplomate (et rapide) que moi, il dégaine direct le livre, me coupant net dans ma réponse sarcastique. Ils commencent tous les deux à tailler une bavette. En 10 minutes je sais où est sa femme, combien il a d’enfants mais pas encore de petits enfants, qu’il a pas fait la guerre « mais quand même », qu’il a habité à Paris, enfin, en banlieue, parce que moi, Paris… Mais que Lyon c’est pas mal non plus et puis on se rapproche des enfants. Ma femme est à la Baule. Ah ? Je vous l’ai déjà dit ? Ah; Et vous êtes quoi déjà ? Ha. Vous connaissez Pancol ? C’est bien hein Pancol. Je vais le prendre je pense. Ou cet auteur là, vous savez, l’Américain. Dites moi comment il s’appelle déjà ? C’est un homme, il est connu. Parce que vous faite quoi vous ici ? Ha. Mais ça ne m’intéresse pas moi je n’ai pas de bébé et de toute façon je n’achète rien sans en parler à ma femme vous pensez bien.
L’écoute de cette conversation m’ayant quelque peu endormie, je comprends au dernier moment que le monsieur nous quitte parce qu’il doit aller acheter une multi prise. Il est revenu 30 minutes plus tard pour nous refaire la même.
Et puis Pancol, c’est bien Pancol.
Sans multiprise.

2. L’ado pré-pubère (avec sa mère).

Fête des mères oblige, une tripotée de jeunes pubères se donnaient rendez-vous là pour choisir un livre. L’achat facile par excellence pour une fête du genre. « Jamais sans ma fille » étant certainement le bouquin le plus vendu à cette période à des moins de 15 ans (parce qu’ils ne l’ont pas lu, de toute évidence). Mais quand il s’agit d’acheter un cadeau à sa mère EN PRESENCE de sa mère, le challenge est de taille.
Discrètement, l’ado envoie sa mère chercher un résumé de la pléiade au rayon streetart pour brouiller les pistes. Puis, il jette des coups d’œil épileptiques dans tous les sens pour trouver « un truc ».
N’importe quoi.
Tant que ça rentre dans le budget.
Et, alors qu’il n’a rien trouvé (rupture chez Pocket faut croire), la mère revient, les mains vides, bien désolée y’avait du Banksy, mais Du Bellay point du tout.

Zut, trop tôt, cette mère est finalement plus rapide que l’ado ne le pensait, et pour cacher son désarroi, s’empare d’un de nos livres et se met à le feuilleter frénétiquement en prenant un air faussement intéressé (on espère secrètement qu’il tombe sur « kamasutra »… ou « sucer », qu’on rigole). La mère s’approchant, curieuse de voir cette enfant au cheveux gras être intéressé par quelque chose d’autre que son smartphone, s’empare d’un autre livre.
« Le Dico des Parents, tout savoir sur le bébé de 0 à 3 ans », lit-elle à haute voix.
Silence de mort.
Regard vitreux de l’ado, qui ouvre grand son bec, laisse tomber sa proie, voyant mille conseils avec travaux pratiques inclus sur la contraception l’attendant au diner, ça lui apprendra à se munir de n’importe quoi.

Il repartira finalement avec un Pancol. Que sa mère paiera. C’est l’attention qui compte.

3. L’ado pubère.

Celui qui rigole fort, qui fait des selfies en montrant la couverture de la biographie de Booba et qui passe devant nous en secouant ses mèches de cheveux (trop de cheveux, tous ces cheveux : POURQUOI ?) et en disant à son copain
« mouhahaha, TAVU viens on prend ça à ta Reum pour la faire flippé »
« Boloss , ça va être chaudard imagine elle clam’s . Le seum »

« MDR, j’avoue c’est pas faux ».
Et de repartir sans nous avoir calculé alors qu’on est déjà sur Wikipedia pour la traduction.

4. Celui qui croyait qu’on allait lui vendre une râpe multi-fonction.

Celui là, il a VU notre table de loin et visiblement il s’est tout de suite dit « ouh putain, encore des vendeurs à la criée ». Fort d’une expérience sur les marchés du Sud de la France en pleine saison, celui-ci nous esquive avec finesse, évitant à tout prix notre regard au cas où nous nous mettions à lui ordonner de lire à haute voix le chapitre sur le « caca ».
« Allez, allez, Monsieur, y’en aura pas pour tout l’monde et aujourd’hui c’est exce-ptio-nnel avec un livre acheté vous aurez le droit à la bise de CRANEMOU ! Oui, un livre une bise, c’est aujourd’hui et c’est une offre limitée ! »
Non.
Pas un regard, ou alors en coin, vite fait, pour voir si on avait pas tendu un piège, je sais pas.
Il était venu acheter du Pancol de toute façon, pas une essoreuse à salade magique.

5. Les couples.

Les couples, ÉVIDEMMENT, c’était notre cible. Les jeunes ou non, les qui allaient être parents, les qui avaient des poussettes et même les autres (« ça vous servira »). Mais les couples sont fourbes. Les mamans et futures mamans spécialement. Elles avaient le don de disparaitre de notre champs de vision en une seconde alors que le conjoint était toujours planté là et qu’on l’avait harponné avec notre lasso invisible (j’ai un joli sourire), et lorsqu’elle ne disparaissait pas, Alain les branchait sur les jolies rondeurs que leur offrait la grossesse alors c’est plutôt le conjoint qui la faisait disparaitre. Certains ont quand même céder à la curiosité (pis faut dire qu’on est vachement sympa). D’autres nous ont fait le coup du « on revient ». D’autres ont dû trouver une porte de derrière parce qu’ils avaient VRAIMENT disparu.

Mais on a bien ri.

Et ça, c’est bien le principal.

Sauf à ce moment gênant où Alain à demandé à une dame d’une cinquantaine d’année si elle avait des arrière petits-enfants. Non, en fait si, j’ai ri aussi.

Les dédicaces ça rime avec classe mais faut avoir une sacrée dose de patience quand même.

La prochaine fois pour s’occuper on lira Pancol.

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Regardez comme on était bien !

7 réflexions sur « La dédicace ou comment devenir anthropologue »

  1. en matière de dédicace l’expérience d’etgar keret à lire dans 7 ans de bonheur….

  2. Moi aussi j’adore « regarder » les gens. Ce que je kiffe par dessus tout c’est passer du temps à la terrasse d’un café, dans un endroit bien passant pour observer le genre humain. C’est passionnant !
    Et dis-moi, t’en as vendu beaucoup des râpes à fromage ? Hein !

    Bizzzz

    Virginie Maman (im)Parfaite

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